Le cinéma, puissant vecteur des valeurs de la société patriarcale, n’a cessé de montrer, à l’écran, des relations entre femmes reposant sur des relations de rivalité, de compétition, de mépris, et d’agressivité. Le test de Bechdel nous apprend à quel point il est rare, dans les films, que les femmes parlent entre elles d’autres choses que d’hommes, comme si c’était là leur seul lien. Nombreuses sont les images et les histoires qui nous divisent, nous séparent et nous font taire.
Pourtant, il y a des films qui parlent de nous autrement, il y a des réalisatrices qui posent un regard bienveillant et engagé sur nos relations et nos expériences. Le cinéma est aussi le lieu d’un langage visuel commun et collectif. Il peut exprimer nos vécus, donner la voix à des paroles inaudibles, rendre nos présences et nos relations importantes, complexes et politiques. Nous avons donc cherché des films qui parlent de nous et qui traitent, plus ou moins ouvertement de la sororité dans le sens d’une expérience de la solidarité, de l’être ensemble. Non dans l’idée que nous vivons toutes les mêmes oppressions ou que nos vécus se ressemblent et s’accordent mais que des liens peuvent se tisser parmi et malgré les clivages et les désaccords. Faire l’expérience de la sororité, c’est désapprendre que « les femmes sont ‘naturellement’ ennemies des femmes »1, c’est trouver ensemble, un lieu de puissance, de partage, de luttes. C’est un enrichissement. Et valoriser nos liens, c’est dire aussi que nos solidarités sont politiques.
Cette année, nous vous proposons six films, six rendez-vous autour de la sororité, expérience, qui, on l’espère, s’étendra au-delà de l’écran pour exister dans nos discussions et nos rencontres. À travers ces six fictions – toutes réalisées par des femmes – mais aussi ce qui viendra accompagner les projections (intervenantes, discussions, podcasts), le ciné-club des SŒURS LUMIÈRE souhaite créer des occasions de nous rassembler autour de films qui transmettent nos vécus, nos histoires quotidiennes ou extraordinaires, nos réalités complexes et variées, intimes et toujours politiques. Six rendez-vous qui proposent de s’emparer du cinéma comme un moyen de transmission d’une mémoire collective, d’une expérience commune afin de donner du sens à notre rapport au monde, à notre manière d’être au monde. Un langage où se retrouver, où être ensemble.
- bell hooks, « Sisterhood : Political Solidarity between Woman », in Anne Robatel, Black feminism, Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, L’Harmattan, Bibliothèque du féminisme, Paris, 2008.