Édition 2023-2024 : « Écrire, disent-elles »
Invitée à débattre sur la question « des femmes et de la fiction », Virginia Woolf développe un questionnement qui sera le sujet même de son essai : Un lieu à soi. Essai qu’elle conclut par l’affirmation selon laquelle, pour écrire, les femmes ont besoin d’argent et d’une chambre à elles. Sans doute qu’il en est de même pour celles qui font des films. Woolf atteste de deux conditions fondamentales à la possibilité de création : l’autonomie et l’espace.
Choisir de faire converger l’écriture et le cinéma dans cette 3ème édition des sœurs Lumière relève sans doute d’une volonté d’explorer ces mêmes conditions fondamentales et ces mêmes perspectives féministes. Car si la littérature tout comme le cinéma ont ignoré et déprécié les productions des femmes, relayant leurs œuvres au silence et à l’indifférence, écrire ou faire des films représente dès lors un acte de transgression absolu. Une expérience de liberté et d’énonciation contre l’assujettissement patriarcal.
Cette programmation n’a pas pour intention première de réhabiliter ou de célébrer les grandes autrices – bien que certaines aient une place dans ce cycle – mais plutôt d’explorer les possibilités d’expressions qu’offrent l’image et l’écrit lorsqu’ils s’assemblent et se côtoient.
La rencontre entre le film et l’écriture multiplie les lignes de fiction, de discours et de points de vue : Orlando est une adaptation du livre de Virginia Woolf, Un ange à ma table un biopic sur Janet Frame, Maternité éternelle un drame inspiré de la vie de la poétesse japonaise Fumiko Nakajō. Les Années Super 8 est un récit en voix-off d’Annie Ernaux, Demain on déménage une fiction autour de l’écriture et de l’érotisme, et Les faussaires de Manhattan explore l’art de l’imitation et de la contrefaçon.
Réalisatrices ou autrices, réelles ou fictionnelles, toutes semblent à la recherche d’un langage pour décrire le monde et leur rapport à lui. Toutes trouvent dans l’écriture aussi bien que dans le cinéma, un refuge, une échappatoire, un remède, une liberté. Explorons donc ces six films comme six lieux à soi, à partir desquels s’expriment autant d’expériences d’autonomie et du devenir sujet.